Face à l’accroissement des écarts de richesses, Oxfam exhorte les Etats de la région à renforcer leurs systèmes d’éducation, de santé et de fiscalité.
Plus de croissance et plus d’inégalités : en Afrique de l’Ouest, deux décennies d’un essor économique sans précédent « n’ont profité qu’à une toute petite minorité », ont dénoncé les ONG Oxfam et Développement France international (DFI) dans un rapport publié mardi 9 juillet. Aujourd’hui, le top 1 % des plus riches Ouest-Africains gagne plus que tout le reste de la population de la zone. « C’est la région où les gouvernements font le moins pour réduire les inégalités, comparativement au reste du continent », assure le porte-parole d’Oxfam France, Robin Guittard. Les quinze pays examinés dans le rapport « choisissent d’ignorer la crise des inégalités plutôt que la résoudre ».
Certains choix politiques permettraient de resserrer l’écart entre riches et pauvres, insistent les ONG, listant une série de recommandations. Au premier chef, les Etats de la région sont appelés à muscler le financement des services publics universels (éducation, santé et protection sociale). Pour faciliter l’accès à l’enseignement primaire et secondaire, les gouvernements devraient « affecter au minimum 20 % du budget national à l’éducation publique universelle gratuite », précise le rapport.
Cette mesure est particulièrement importante pour un pays comme le Niger où le niveau d’éducation est le moins élevé du monde : la scolarisation y dure en moyenne dix-huit mois. Elle doit également permettre de résorber les difficultés d’accès à l’éducation des femmes défavorisées, criantes dans certains pays. Au Nigeria, une femme issue d’une famille pauvre est 26 fois plus susceptible de n’avoir jamais été scolarisée qu’une femme issue d’une famille riche. Au Niger, seulement une fille sur deux va à l’école primaire, une sur 10 au collège et une sur 50 au lycée.
« La pauvreté n’est pas une fatalité »
Les auteurs du rapport préconisent également de consacrer au moins 15 % des budgets nationaux au secteur de la santé publique, et d’adopter des programmes de protection sociale universelle.
Sans surprise, la fiscalité est un autre axe de travail mis en avant par les ONG. Selon le rapport, les pays de la région « perdent environ 9,6 milliards de dollars en avantages fiscaux offerts aux multinationales », soit de quoi « construire environ 100 hôpitaux modernes et bien équipés dans la région par an ». Oxfam et DFI réclament donc une meilleure taxation des grands groupes internationaux implantés en Afrique, en renforçant notamment la lutte contre l’évasion fiscale. Plus généralement, les deux ONG conseillent de rendre le système fiscal beaucoup plus progressif. D’une part en réduisant les taxes à la consommation comme la TVA qui pèse davantage sur les plus pauvres, d’autre part en élargissant les impôts payés par les plus aisés.
Le document préconise enfin de protéger les droits des travailleurs. Il recommande ainsi d’augmenter le salaire minimum vital et de renforcer le droit de grève et de syndicalisation, des mesures ambitieuses et qui peuvent sembler difficilement applicables sur un continent où le secteur informel reste important.
Pourtant, « les inégalités et la pauvreté ne sont pas des fatalités », insiste le rapport. Certains pays de la région prouvent d’ailleurs que des progrès sont possibles. Ainsi le Sénégal s’est doté d’un des plus grands programmes de protection sociale d’Afrique. Il est désormais le treizième pays au monde en termes de dépenses dans le secteur de la santé.