Le Niger célébrait la Journée Internationale de la Liberté de la Presse le 3 mai dernier à travers un dîner de presse organisé le 4 mai par le CAP-Médias-Niger, les professionnels de l’information ont réaffirmé leur volonté de construire une presse souveraine, libre et responsable. Placée sous le thème « Journalisme et souveraineté patriotique de l’information : construire une voix libre au service de la Nation », cette initiative s’inscrit dans un contexte sous-régional tendu, où la liberté de la presse est mise à rude épreuve.
Dans son discours, le ministre de la Communication, M. Adji Ali Salatou, a appelé les journalistes nigériens à se libérer des narratifs imposés par l’extérieur et à jouer un rôle actif dans la refondation nationale. Cet appel au patriotisme médiatique intervient au moment, où le dernier rapport de Reporters Sans Frontières (RSF), publié le 2 mai 2025, dresse un tableau préoccupant de la liberté de la presse en Afrique subsaharienne et particulièrement dans les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), regroupant le Niger, le Mali et le Burkina Faso.
Selon le classement mondial de RSF, le Niger chute de trois places pour se positionner à la 83e place. Si la baisse est modérée, elle s’inscrit dans une tendance plus large au sein de l’AES, où la gouvernance militaire post-coup d’État semble coïncider avec une contraction de l’espace médiatique. Le Burkina Faso recule de 19 places (105e) et le Mali de 5 places (119e), témoignant de l’instauration d’un climat d’autocensure, de fermetures arbitraires de médias et de pressions sur les rédactions.
Le président du CAP-Médias-Niger, Moudi Moussa, a lui aussi dressé un constat lucide, soulignant les entraves structurelles à l’épanouissement d’une presse libre : absence de régulation dans ce contexte transitoire, suspension du Fonds d’Aide à la Presse depuis 2018, manque de soutien de l’État, et faiblesse des subventions publiques comparées à celles du Burkina Faso et du Mali.
Dans le rapport de RSF, la question économique est centrale. Près de 80 % des pays d’Afrique subsaharienne sont confrontés à des difficultés financières majeures qui fragilisent les médias locaux. Cette précarité rend les journalistes plus vulnérables aux pressions politiques et économiques, affaiblissant leur capacité à résister à la désinformation. Une problématique qui n’épargne pas le Niger.
Pour RSF, l’indépendance financière reste une condition essentielle pour garantir une information fiable et au service de l’intérêt général.
Alors que l’espace AES se positionne comme une alternative géopolitique post-française, sa crédibilité passe aussi par le respect des libertés fondamentales. Le ministre de la Communication a invité les professionnels des médias à créer des synergies avec leurs homologues du Mali et du Burkina Faso pour bâtir un espace médiatique « AES fort et crédible ».
Entre discours de refondation patriotique et réalités préoccupantes sur le terrain, la célébration de la Journée Internationale de la Liberté de la Presse au Niger a mis en lumière les contradictions du moment. Sans une presse libre et indépendante, ni souveraineté, ni unité nationale ne peuvent s’enraciner durablement.
Zeynabou Assane Moumouni pour Niameyinfo.