De la fumée légère qui s’élève, des effluves qui envahissent l’air et une atmosphère instantanément transformée : l’encens, discret mais puissant, continue de séduire les foyers du monde entier. Au Niger, l’encens brûlé dans les cours, les salons ou lors des grandes cérémonies, occupe une place centrale dans la vie sociale et culturelle du Niger. Pour de nombreuses femmes nigériennes la production de l’encens est une activité traditionnelle lucrative et d’une grande importance. En cette saison de pluie, il devient le produit incontournable.
Au Niger comme dans de nombreux pays, l’encens a longtemps été associé à diverses pratiques spirituelles et thérapeutiques. Il était brûlé pour honorer les divinités, purifier les lieux de culte, faire des séances d’exorcisme et accompagner les rites funéraires. Au-delà des rites religieux, l’encens était aussi considéré comme un remède naturel. Certaines variétés comme le mélange du souchet noir (dougou bi ou gijji), de la graine de nigelle (habatou saouda), de la résine d’arbre et du « sheikh », étaient réputées pour apaiser l’esprit, favoriser la concentration ou encore éloigner les énergies négatives. D’autres formes sont également utilisées pour des problèmes digestifs et pulmonaires. Il paraît même que certains encens possèdent une action antibactérienne. Chacun utilise l’encens selon ses propres croyances et expériences.
Aujourd’hui, l’encens appelé aussi dougou (Djerma) ou tura ran Houta (haoussa) a dépassé le cadre strictement spirituel pour s’inviter dans les salons, bureau et espaces de détente. Il devient un signe d’hospitalité et de raffinement. Lorsqu’un invité franchit le seuil d’une maison, il est accueilli par le parfum de l’encens, symbole de respect et de considération. Dans les mariages, les baptêmes ou les fêtes religieuses, il s’impose comme un élément incontournable du rituel, créant une atmosphère chaleureuse et solennelle. « L’encens purifie l’air, apaise l’esprit et laisse derrière lui une atmosphère irrésistible qui marque les cœurs. Pour la femme, il est essentiel : il rehausse sa féminité, son aura et fait de sa maison un lieu où l’on aime revenir encore et encore » soutient la promotrice de Afra collecxion.

Les femmes nigériennes en particulier celles de la région de Diffa, perpétuent cet art. Elles préparent des mélanges parfumés à base de résines, de bois et parfois d’épices locales, qui confèrent à chaque encens une identité singulière. Certaines recettes, jalousement gardées, se transmettent de génération en génération. Au-delà de la tradition, l’encens au Niger est aussi un symbole de raffinement. Dans certaines régions, il accompagne les rituels de beauté féminine. Le parfum de l’encens est imprégné dans les vêtements, les tissus et même les cheveux, devenant ainsi une marque de séduction et de distinction sociale. Pour Haoua vendeuse d’encens et de parfums, l’encens est ancré dans la société « on a grandi dans un environnement où l’encens est omniprésent. Donc c’est devenu une tradition chez nous beri beri l’encens fait partie de notre vie quotidienne. Il a plusieurs significations et puis c’est un secret de femmes. On met de l’encens dans sa maison, sur ses habits et sur son corps. C’est ça qu’on aime chez la femme. ».
Il existe plusieurs variétés locales, dont certaines très prisées sur les marchés. Les vendeuses d’encens proposent des gammes allant du plus simple au plus élaboré. La commercialisation de l’encens constitue une source de revenus pour de nombreuses femmes. Selon Amadou Saidou expert culturel « le plus souvent ce sont les jeunes mariées qui l’utilisent dans leurs maisons. Ça amplifie l’amour entre le couple, ça rend l’odeur de la maison très agréable. Il faut se dire que la fabrication et la vente de l’encens donnent des retombées économiques. Donc c’est normal que la femme dans le cadre de l’autonomisation puisse s’adonner à ce petit commerce. Parce que c’est un produit que la majorité des femmes aiment utiliser ».

Si l’encens nigérien reste largement artisanal, il connaît aujourd’hui une évolution. On le retrouve sous forme de petits bâtonnets ou de granulés parfumés, adaptés aux goûts contemporains. « Je préfère utiliser ceux en bâtonnets, ils sont plus rapides et pratiques. Utiliser l’encens m’apaise énormément » nous confie Zeinab amatrice de la bonne senteur et qui en utilise quotidiennement dans son lieu de travail.
Toutefois, l’encens traditionnel, préparé à la main et fumé dans des brûle-parfums en terre cuite ou en métal, conserve une valeur affective et culturelle forte. Cette dualité entre tradition et modernité reflète l’évolution des modes de vie au Niger. L’encens reste un repère identitaire, tout en s’adaptant aux usages actuels, que ce soit pour parfumer une maison moderne ou accompagner un moment de détente. Plus qu’un simple produit de consommation, l’encens au Niger est un marqueur culturel. Il incarne la chaleur de l’accueil, la transmission des savoirs et l’élégance dans la vie quotidienne. Dans un monde en constante mutation, il garde intact son rôle de donner aux instants de la vie un parfum d’éternité.
Fatoumata Akiné pour Niameyinfo.