La mission d’intérêt général est l’un des objectifs fondamentaux de l’Administration Publique de tous les pays du monde. Malheureusement, il est constaté que les populations nigériennes, notamment celles qui ont recours aux services administratifs, vivent la pénible expérience de voir leurs démarches administratives retardées ou carrément reportées, en raison d’un agent absent ou en retard à son poste de travail, ou par manque d’efficacité. En analysant une telle crise au niveau de l’Administration Publique nigérienne, où la politique s’apparente à l’Administration, il y a lieu de se poser deux (2) questions : Quelles sont les causes profondes de cette crise ? Et quelles seraient les pistes de solutions ?
Une administration en déliquescence
La Politisation de l’Administration publique nigérienne n’est pas nouvelle, elle date depuis l’avènement de la démocratie et du pluralisme politique, dans les années 90. Le Niger se distinguait alors par l’impunité, la corruption, la forte tendance à l’inversion de l’échelle des valeurs notamment, aux niveaux des critères de recrutement, des animateurs de la fonction publique où les critères de recrutement restaient encore obscurs et non démocratique. La mise en place des acteurs sous couverts des parapluies politiques, issus d’origine, d’obédience et tendance politique occasionnent l’établissement d’un Etat autoritaire ayant des institutions politisées. Pour Adamou Louché Ibrahim, Analyste économique « cette situation est, en effet, le reflet d’une administration gangrénée par un laxisme ambiant, et dont l’impact positif sur l’environnement économique, social, écologique, sanitaire ou encore culturel reste quasi-inexistant et la qualité de service rendu à l’usager, médiocre. Autrement dit, une administration en pleine déliquescence »
La VIIème République n’a pas été épargnée par cette pratique où la fonction publique s’est retrouvée sous l’emprise de la politique. Les autorités politiques s’immiscent dans les affaires administratives, bien que l’Administration Publique soit l’organe d’exécution des décisions politiques. Ces décisions ne devraient en aucun cas être influencées par la politique. L’analyste économique affirme avec fermeté que la faute principalement serait due aux pièges des alliances des partis politiques pour prendre les commandes du pays « une alliance scellée par la répartition des postes, souvent stratégiques. Répartition qui se fait évidemment aux dépens de la compétence, qui reste de loin le premier critère de nomination, y compris pour le choix des Ministres. Au grand dam de l’article 62 de la Constitution qui stipule que le président de la république est le chef de l’administration. Il veille à la neutralité de l’administration et au respect des textes qui consacrent sa dépolitisation ». Autrement dit, « la politisation à outrance de l’administration reste malheureusement au centre du système politique de récompenses et d’alliances. Elle n’est pas une question d’opportunité ou de tactique : elle est systémique » (J.P. Olivier de Sardan, 2016).
Dans son rapport 2017, la Stratégie de Développement Durable et de Croissance Inclusive souligne que « l’administration publique n’est pas suffisamment structurée et organisée pour répondre aux défis de développement du pays. L’architecture gouvernementale, qui répond aux contraintes politiques [évoquées précédemment] limite l’efficacité de l’action de développement. En particulier, les enjeux dans le secteur rural et de l’éducation s’accommodent mal à la fragmentation institutionnelle de ces vingt dernières années. L’administration agit davantage comme un frein qu’un accélérateur pour le développement du secteur privé ».
Comme évoqué précédemment, la répartition des postes de responsabilité se fait souvent au détriment de la compétence. Et cela n’est pas sans conséquence sur la gestion efficace du pays. En voici quelques-unes selon Adamou Louché Ibrahim :
« La faible consommation des crédits budgétaires qui est imputable parfois au manque de professionnalisme des agents censés les dépenser. Ce qui a pour conséquence des retards, voire la non mise en œuvre de certaines politiques publiques. Dans ces conditions, il sera donc difficile, voire impossible de satisfaire les attentes, sans doute pléthoriques, des usagers
La corruption: Malheureusement dans le pays, la corruption est souvent liée avec les élections et l’exercice du pouvoir. Or, il n’est un secret pour personne que la corruption aggrave la pauvreté et creuse les inégalités en détournant les fonds destinés aux soins de santé, à l’éducation et à d’autres services essentiels. Des millions de personnes, partout dans le Niger, subissent les effets néfastes de la corruption. Personne n’est épargné par ce fléau qui sape les institutions démocratiques et ralentit le développement économique.
Fragiliser les Institutions : Le fait de nommer aveuglement des personnes incompétentes et ignorant les lois et règlements du pays a conduit à réduire presque à néant les efforts considérables faits depuis l’indépendance pour doter le Niger d’Institutions à la fois fortes, crédibles mais aussi et surtout opérationnelles. Sans Institutions fortes et crédibles, l’Etat de droit sera toujours une illusion comme le président Issoufou ne cesse de le clamer »
L’impact de la politisation de l’Administration Publique nigérienne se matérialise par l’accroissement du nombre de détourneurs des deniers publics, l’augmentation des dépenses publiques pour des fins personnelles, la nomination des autorités politico-administratives sur base des critères obscurs, le clientélisme politique et le clanisme…ceci démontre l’impact négatif de la politique sur l’Administration Publique. Bien que non absorbantes, ces conséquences coutent des milliards de FCFA au pays chaque année. « C’est presque autant d’argent en moins pour les secteurs sociaux tels que l’éducation ou la santé. On comprend mieux pourquoi, depuis près de 27 ans, le pays peine à quitter la « queue » du classement IDH » ajoute Adamou Louché Ibrahim, analyste économique. L’activiste des réseaux sociaux, Dr Djamila Ferdjani a vu juste en déclarant : « Le plus grand drame de la politisation de l’administration est qu’elle transforme la méritocratie en médiocratie, avec des conséquences néfastes sur la marche du pays ».
Peut-on rattraper le coup ?
Heureusement que cette situation n’est pas une irrévocable. Comme en témoigne les timides évolutions récentes. D’après les informations de l’analyste économique « le chef de l’Etat Issoufou Mahamadou a clairement instruit les autorités de nomination de tenir compte impérativement du critère ‘’profil/emploi’’. Conscient que l’administration est le point cardinal de toutes les politiques de développement ; celui duquel partent toutes les dynamiques et celui vers lequel évidemment elles aboutissent, le gouvernement semble faire ce dernier temps de la compétence l’un des critères premiers de nomination. Grâce à certaines de ces nominations, l’Etat tenterait de rompre avec certaines pratiques du passé afin que l’administration du pays soit une Administration de développement, afin de mieux assumer son rôle de locomotive, vecteur de compétitivité et de performance ». En effet, cette recherche de la performance passe par « une administration de qualité capable de porter les innovations majeures comme la souplesse des procédures et l’orientation qu’il faut donner aux actions unités de programmes. C’est cette culture d’un genre nouveau qui fera de notre administration un élément dynamique et compétitif » (Dr Adamou Issoufou, 2017).
Cependant, l’appareil administratif doit être indépendant, neutre et plus proche des administrés. Il doit être animé par des acteurs ayant des compétences pour une gestion rationnelle des ressources, dont le but est d’aboutir à un développement intégral. L’indépendance claire et nette entre l’Administration Publique et la Politique, l’observance du principe de la neutralité de l’Administration Publique, le recrutement des animateurs de la fonction publique sur les critères objectifs bien définis, la poursuite judiciaire des détourneurs, corrompus et corrupteurs seraient les moyens efficaces pour séparer la politique de par son importance relative au domaine politique et administratif.Akiné Fatouma pour niameyinfo.