Le Niger, pays enclavé dans la région du Sahel en Afrique, est l’un des pays les plus pauvres du monde. Avec une forte prévalence de mariages d’enfants et de grossesses précoces, le pays affiche actuellement un taux de fécondité de près de 7 enfants par femme, ce qui représente le taux de croissance démographique le plus élevé (3,8 %) au monde. Ce n’est donc pas une surprise si la population du pays est passée de 3 à plus de 20 millions d’habitants, de 1960 à aujourd’hui. Selon les statistiques de la banque mondiale, en janvier 2020, il est estimé que sa population devrait passer à 30 millions en 2030 et atteindre 70 millions en 2050. Quelles sont les implications économiques et sociales de ces chiffres démographiques ? Pourquoi les Nigériens font-ils autant d’enfants ? Des solutions pour faire baisser le taux de natalité ?
Les spécialistes du développement s’accordent à dire qu’« une fécondité élevée entrave les progrès du développement dans les pays pauvres, dont les indicateurs de développement humain sont également faibles ». Pour appuyer, selon une étude de la Banque mondiale datant de 2010 « une fécondité élevée, pose des risques pour la santé des enfants et de leurs mères, nuit à l’investissement dans le capital humain et ralentit la croissance économique ».
Forte démographie rime avec pauvreté
En raison de l’augmentation rapide de la population, le nombre de pauvres a augmenté. Il est à considérer les statistiques suivantes, plutôt alarmantes, au Niger : Avec 750 000 nouveaux enfants par an, l’État doit faire face à des demandes beaucoup plus importantes d’investissements dans les services d’éducation et de santé, qui sont en nombre limité et de qualité généralement médiocre. Par exemple, en 2019 « Seulement 50 % environ des enfants ont reçu une couverture vaccinale complète, 44 % des enfants de moins de cinq ans présentent un retard de croissance et plus de 33 % d’entre eux souffrent d’insuffisance pondérale ». Il n’est donc pas surprenant que depuis 2010, le Niger se retrouve dans les tréfonds du classement de l’Indice de développement humain des Nations Unies.
Avec une population dont l’âge moyen est de 15 ans, le Niger est au début de sa transition démographique. Une étape cruciale où le nombre et la jeunesse de la population peuvent devenir un instrument au service de la croissance, mais aussi une épine dans le pied du développement économique. Pour le Docteur Hassane Atamo, chef de la planification familiale au ministère de la santé « l’éducation et le changement des mentalités est crucial si le Niger veut tirer profit de ce tournant démographique amorcé ».
De même, la croissance démographique ne faiblit pas du fait qu’au Niger la famille nombreuse jouit d’un certain privilège. Dans un pays où un système de sécurité sociale acceptable n’existe pas, la progéniture devient donc une sorte de « valeur refuge » mais aussi un important réservoir de main d’œuvre pour les travaux champêtres notamment. « Chez nous, avoir beaucoup d’enfants est un signe de puissance et de richesse. Cela vient de nos traditions. A l’époque, il fallait avoir beaucoup d’enfants pour labourer la terre. Mais beaucoup de choses ont changé, et la plupart des arguments qui poussaient les Nigériens à avoir beaucoup d’enfants ne tiennent plus aujourd’hui » souligne Hassane Atamo, tout en précisant que « il est vrai que les hommes subissent des pressions. Si un Nigérien a une femme et deux enfants, sa famille va le pousser à prendre une deuxième, une troisième, une quatrième femme… La polygamie joue un rôle important. Quand un Nigérien a plusieurs femmes, une compétition s’installe entre les épouses. Chacune veut donner le maximum d’enfants au mari » poursuit Dr Hassane Atamo.
Mais les mentalités changent. L’exode rural est très prononcé, les jeunes viennent en ville et ne restent plus au village pour labourer la terre. Cela pose la question de l’emploi qui est offert à ces jeunes. Il n’y en a pas assez. « Même dans les pays développés, le taux de chômage est impressionnant. Chez nous, c’est très difficile aussi. La fonction publique recrute peu, le système privé est encore trop faible. Les institutions ont un faible taux d’absorption des diplômés et le système éducatif produit plus de non-diplômés que de diplômés… »
L’éducation, la lueur d’espoir ?
Ce comportement est aussi lié au fait que la plupart des nigériens pensent que c’est à Dieu de décider des naissances. Selon Hassane Atamo « tant qu’on continuera à penser que c’est Dieu qui décide, que c’est le destin, le comportement ne changera pas. Il faut que l’on comprenne que l’être humain est responsable de son destin. En réalité, la religion n’est pas contre le changement ! »
Cependant, cette croissance démographique n’est pas proportionnelle à la croissance économique. C’est pourquoi il est urgent que le Niger résolve ce problème pendant qu’il est encore temps. Pour ce faire Maïmouna Saley, leader du programme leadership au Sahel 2018, invite à mettre l’accent sur l’éducation. Selon elle « […] nous avons recensé que si on prend une famille qui a un niveau d’éducation acceptable, elle a moins d’enfants qu’une famille qui n’en a pas […] ». Le Docteur Hassane Atamo partage le même Avis, « la première arme, c’est l’éducation. Il est prouvé qu’au sein d’une famille où le niveau d’éducation est acceptable, ses membres ont moins d’enfants » avant d’ajouter que « la deuxième arme, c’est la planification familiale. Il faudrait que les femmes l’utilisent plus tôt. Mais le plus important, et le plus difficile aussi, reste le changement des mentalités. Il faut quitter le comportement pronataliste pour aller vers un comportement raisonnable ».
Même si la contraception reste la solution la plus immédiate, il apparait que les méthodes contraceptives modernes suscitent de la méfiance dans les zones rurales du pays. Pour promouvoir efficacement la contraception au Niger, il faudrait réussir à comprendre et analyser les dynamiques globales des différentes sociétés dans toutes leurs complexités.
Akiné Fatouma pour niameyinfo.