Après cinq jours de travaux intenses, le rideau est tombé ce jeudi 20 février sur les assises nationales pour la refondation du Niger. Pendant cinq jours, près d’une centaine de participants ont eu la lourde tache de poser les bases d’une refondation du Niger à tous les égards à travers des propositions à la fois concrètes et réalisables en prenant en compte les réalités du pays. Répartis en grands groupes, les participants à ces assises ont formulé des recommandations répartis sur tous les secteurs, de la sécurité à la politique, en passant par l’économie, l’éducation ou encore la diplomatie et la santé.
Cinq ans renouvelables pour la transition
C’était la grande question au cœur de ces assises ; définir la durée de la transition en cours depuis les événements du 26 juillet 2023. Pour le président de la commission nationale chargée de la Conduite des travaux, le Dr Mamoudou Harouna, « toutes les sous-commissions ont examiné la question » et en sont venues à la recommandation d’une « durée minimale de 5 ans renouvelables pouvant évoluer en fonction de la situation politico-sécuritaire du pays, du cahier de charge de la refondation et de l’agenda de la Confédération des Etats du Sahel ». Cette durée, selon les explications de Dr Mamoudou Harouna permettra « d’avoir une durée assurant une refondation solide qui jette les bases d’une véritable indépendance et une souveraineté totale » du pays sur tous les plans.
En lieu et place de l’appellation « charte de la transition », le comité propose plutôt « charte de la refondation ». D’ailleurs l’avant-projet dudit document qui sera remis aux autorités prochainement est axé sur trois bases :
- Les organes de la refondation,
- Les valeurs, principes et missions de la Refondation,
- Les conditions de révision de la charte de la refondation.
Il faut noter également que les futurs dirigeants des différents organes de la transition qui seront mis en place auront la possibilité de se présenter aux futures élections.
La justice, un pilier essentiel à une refondation réussie
La sous-commission justice et droits de l’homme de l’ancien ministre M Dagara Mamadou propose des mesures phares pour renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire en faisant par exemple nommer les magistrats via des élections ou sur proposition de leurs pairs. De même, dans le sens d’une meilleure transparence des actions effectuées, la sous-commission propose notamment la digitalisation des procédures judiciaires et la publication des décisions juridiques. Ces mesures devraient améliorer l’accès des populations à la justice et renforcer leur confiance dans le système. Toujours dans le sens de favoriser l’accès pour tous à la justice, la commission propose d’offrir une aide juridique gratuite pour les populations vulnérables.
La promotion de la bonne gouvernance a été également abordée dans le sens notamment de la proposition d’une intégrations lois musulmanes, notamment la charia dans la constitution à l’encontre des crimes financiers et sociaux comme le vol, la corruption, les abus de pouvoir. De même, en guise de sanctions, les délégués proposent la création d’une cour anti-corruption dotée de pouvoirs étendues et l’interdiction aux personnes impliquées dans les scandales financiers l’accès aux fonctions publiques.
Des décisions fortes pour un meilleur contrôle de la gouvernance
Depuis les événements du 26 Juillet 2023, l’activité politique est aux arrêts et le restera encore pendant la durée de la transition. Néanmoins, pour une refondation politique axée sur la bonne gouvernance, la commission propose la limitation du nombre de partis politiques à 2 ou 5 avec pour code une charte des partis. De même, les élections seront désormais organisées de manière transparente avec un fichier électoral et une CENI plus crédibles.
Concernant le modèle de régime politique, celui proposé correspond au régime présidentiel fort avec toutefois des mécanismes de contrôle citoyen et la création d’un poste de vice-président. Aussi, désormais, la commission propose que les responsables publics se soumettent à une déclaration publique de leurs biens avant et après mandat, de même que l’instauration fréquente d’audit de contrôle. Pour les personnes impliquées dans des affaires de corruption, la commission recommande des sanctions sévères pouvant aller à la peine de mort.
Pour favoriser la cohésion sociale, plusieurs termes souvent péjoratifs et discrimatoires en société devront désormais être bannis, et des actions faisant la promotion du mariage ethnique menées. Aussi, la commission recommande la prise en compte des minorités ethniques et religieuses dans les institutions nationales à travers la création de « statuts spécifiques pour faciliter leur accès aux opportunités économiques et sociales ».
La refonte du système éducatif, gage d’un Niger plus compétitif
Le système éducatif nigérien a été passé en revue avec notamment des propositions portant sur l’augmentation de la rémunération des enseignants, la réintégration des enseignants du contractuel dans la fonction publique, la construction d’écoles en matériaux définitifs et la mise à disposition de matériel didactique moderne.
Pour favoriser la compréhension et l’inclusion, les délégués proposent l’intégration des langues locales dès le primaire et l’utilisation de ces langues dans les communications administratives et économiques. De même, pour faciliter l’orientation professionnelle, une politique de spécialisation précoce sera mise en place afin d’orienter les élèves vers les métiers techniques dès l’obtention du BEPC.
La santé et le bienêtre social : des facteurs clés de développement
Au Niger, l’accès des populations aux structures sanitaires reste encore un défi. Aussi, plusieurs propositions ont été effectué dans le but de régler un tant soit peu la problématique. Il s’agit notamment du recrutement supplémentaire de médecins et de leur déploiement dans toutes les régions, l’amélioration du plateau technique des hôpitaux dans le but de réduire les évacuations sanitaires. La proposition a été également faite de mieux valoriser la médecine traditionnelle en mettant en place des mesures dans ce sens.
En matière de protection sociale, les délégués proposent la création d’un Fonds National de solidarité pour soutenir les couches les plus vulnérables mais aussi encourager la solidarité entre citoyen. D’autres recommandations ont été également faites dans le but de favoriser l’inclusion financière pour tous.
Une Diplomatie et une coopération internationale dynamiques pour mieux positionner le Niger
En matière de coopération internationale, les propositions vont beaucoup dans le sens d’une ouverture à de nouveaux partenariats stratégiques comme une coopération avec les BRICS. La souveraineté du pays doit tout de même être maintenue et même renforcée à travers notamment la suppression des aides internationales et néocoloniales.
En termes d’intégration régionale, la commission préconise un rôle plus accru du Niger dans la Confédération des Etats du Sahel, mais aussi un renforcement de la présence nigérienne à l’étranger à travers la création de nouvelles ambassades mais aussi la cooptation des Nigériens entre eux pour les postes à international.
Bâtir une économie plus résiliente et plus souveraine
En matière de mesures de relance et de renforcement de l’économie nationales, les propositions ont été axées sur trois principaux points à savoir :
- la valorisation des ressources naturelles à travers plusieurs mesures portant notamment sur la mise en place d’une politique d’exploitation et de transformation des ressources naturelles comme l’or, l’exploitation de nouvelles sources d’énergie comme le solaire et hydraulique à travers la construction de centrales photovoltaïques, a mise en œuvre de projets portant sur l’agriculture et la pêche pour renforcer l’autosuffisance alimentaire
- une refonte des secteurs privés et publics en facilitant principalement l’accès au crédit pour les jeunes entrepreneurs avec des taux d’intérêts bas, la création d’incubateurs et de centres de formations, la réduction des salaires, la mise en place de politiques économiques plus inclusives et créatrices d’emploi
- les subventions et emplois via l’instauration d’une fiscalité progressive visant à favoriser les classes vulnérables, la distribution équitable des revenus issus des ressources naturelles, la réduction des inégalités et l’adoption d’une monnaie nationale autre que le Franc CFA , et beaucoup plus adaptée aux réalités économiques nigériennes.
Paix et sécurité pour renforcer la stabilité du pays
L’un des principaux défis auquel fait face le pays actuellement concerne la sécurité. Pour la commission, le renforcement des Forces de Défense et de Sécurité FDS à travers la modernisation des équipements, l’armement et la collaboration avec des puissances militaires étrangères comme la Chine, la Turquie et la Russie permettra d’endiguer un tant soit peu la menace terroriste. Aussi, l’intensification de la coopération régionale avec les pays voisins en proie également à la crise sécuritaire qui secoue actuellement la région pourra contribuer à l’atteinte de la sécurité nationale. La création d’équipe de vigilance populaire sera également un gage de participation communautaire et aidera à instaurer une certaine sécurité au sein des communautés.
Plusieurs propositions concernant la protection de l’environnement, la gouvernance et la politique ont été également faite par l’ensemble des délégués. Pour le Président de la commission,
Identité Numérique et modernisation administrative pour des services plus efficaces
A l’ère du numérique, la dématérialisation des services représente un atout essentiel pour le développement d’un pays. Conscient de cette urgence, la commission propose la mise en place d’une carte d’identité biométrique répondant aux standards internationaux et liée à un système de vote électronique. Ceci, devrait permettre d’assurer une certaine transparence lors des élections.
Dans une volonté de lutter contre la corruption qui peut sévir dans les services publics, la commission propose la dématérialisation des services administratifs liés à la délivrance de certaines documents importants et la mise en place de systèmes de paiement sécurisés.
Renforcer la résilience du Niger face aux problèmes environnementaux et aux changements Climatiques
La protection de l’environnement, de même que la lutte contre les effets des changements climatiques représentent des défis majeurs auxquels font face l’ensemble des pays à travers le monde. Pour les pays situés en zone sahélienne c’est encore plus une urgence. En ce qui concerne le Niger, les propositions vont dans le sens de la protection de la ceinture verte, la protection des forêts existantes et la plantation d’arbres, la lutte contre la désertification, les déchets plastiques à travers notamment l’application de la loi de 2014 encadrant l’utilisation des sachets plastiques. Ces efforts concerneront également la promotion de la culture fourragère pour immobiliser le cheptel national, une exploitation plus bénéfique du fleuve Niger, la mise en place de programmes innovants dans les secteurs agricoles, et agroécologiques dans les communautés.
Outres ces propositions réparties par domaine et secteur, les délégués aux assises nationales « ont également adopté la forte résolution d’élever au grade de Général d’Armée, le Président du CNSP, le Chef de l’Etat, le Général de Brigade Abdourahamane Tiani » a indiqué le Dr Mamoudou Harouna, président de la commission nationale en charge de conduire lesdites assises.
Pour sa part, le chef de l’Etat, en remerciant l’ensemble des participants estime que « ces résultats peuvent encore être enrichis par des analyses complémentaires à venir » ; Aussi assure-t-il être prêt à jouer sa partition « sans aucune faiblesse et avec dévouement » vis-à-vis du Niger.
Le rapport final des travaux de ces assises devrait être livré au Chef de l’Etat dans trois semaines. Une étude sera ensuite menée afin de définir les éléments à prendre en compte pour un nouveau départ pour le Niger.
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