Après que le Niger ait terminé un long cycle électoral par l’organisation le dimanche 21 février 2021 du second tour de l’élection présidentielle. Scrutin dont la proclamation des résultats globaux provisoires par la CENI a débouché sur de violentes manifestions et des arrestations en cascade d’opposants et de leurs militants. Depuis une atmosphère assez tendue prévaut dans le pays et l’opposition continue de dénoncer un hold-up électoral et réclamer sa victoire. Pendant ce temps, du côté du président élu, Mohamed Bazoum, c’est le silence radio. Aucune réaction publique sur les événements de ces dernières semaines. C’est à se demander s’il y a une disposition dans le Code électoral ou la Constitution qui contraint un président élu à garder le silence dans ces situations ?
Mohamed Bazoum, nouvellement élu à la tête de l’État, a d’ores et déjà montré que sa parole va se raréfier. En effet, hormis sa déclaration après la proclamation des résultats provisoires dans laquelle, après s’est réjoui du choix porter sur lui par ses concitoyens, il a notamment appelé son challenger à la retenue : « connaissant sa sagesse (parlant de Mahamane Ousmane) je voudrais compter sur lui pour créer un nouveau climat entre le pouvoir et l’opposition, mettre fin aux tensions inutiles et nous donner la main sur l’essentiel par ces temps de grands défis terroristes », l’ancien ministre de l’intérieur n’a plus dit un mot, du moins officiellement.
Cette stratégie démontre que le silence est aussi un des meilleurs moyens pour prendre du recul et éviter toute réaction sous le coup des émotions. C’est aussi une méthode d’utiliser le silence comme un moyen puissant de créer du désir auprès des citoyens. En effet la rareté crée naturellement un besoin que nous cherchons à combler. Au XVIIIe siècle, dans l’ouvrage « L’art de se taire », l’abbé Dinouart écrit à propos du silence politique que c’est le signe « d’un homme prudent, qui se ménage, se conduit avec circonspection, qui ne s’ouvre point toujours, qui ne dit pas tout ce qu’il pense, qui n’explique pas toujours sa conduite et ses desseins, qui sans trahir les droits de la vérité, ne répond pas toujours clairement, pour ne point se laisser découvrir ».
Certains partisans de Mohamed Bazoum, expliquent cette situation avec un adage courant qui dit : « Le chien aboie…la caravane passe ». Pour eux plus la parole est trop fréquente, plus elle se confond peu à peu avec les informations courantes traitées par les médias et donc perd de sa valeur, ce qui est « une chose proprement inconcevable pour « un chef d’État ». Rappelons que la cour constitutionnelle n’a pas encore validé les résultats de la commission électorale.
D’autres partisans sont plutôt impatients, « il doit au moins fait savoir aux nigériens qu’il est avec eux et non garder le silence comme s’il n’y a rien qui se passe ».
Par ailleurs, ceux qui ne sont pas « Saï Bazoum » voient les choses de manière assez différente. Pour eux, « il a juste peur. Mais c’est mieux qu’il se taise. Ce monsieur parle très mal, il peut même dire quelque chose qui va aggraver la situation » dit l’un d’entre eux. Un autre va jusqu’à estimer que ce silence le rend coupable, « quand tu sais que tu as volé, tu vas parler pour dire quoi ? on a tous constaté des irrégularités, des fraudes dans ces élections…on ne parle pas quand on a tort ».
En attendant que Mohamed Bazoum se décide à quitter « son silence assourdissant », le Niger sans même s’être sorti des tensions post-électorales et de la covid-19, continue à vivre sous la peur des attaques terroristes. Le mardi 16 mars 2021, des attaques djihadistes présumées ont fait cinquante huit (58) morts à Banibangou (Tillabéry), zone proche de la frontière avec le Mali. Il y eu exactement 28 morts sur l’axe Chinegodar et 30 sur l’axe Darey dey.
Akiné Fatouma pour niameyinfo.