De passage à Niamey pour le tournage de son émission « Rendez-vous » sur Canal+, Niameyinfo a rencontré en exclusivité le très brillant cuisinier afin de permettre à nos lecteurs de découvrir l’univers de son plaisir coupable.
Niameyinfo : Monsieur Raoul Coly, vous êtes un très grand passionné de la cuisine. Dites-nous comment est née cette passion et pourquoi avoir choisi la cuisine comme moyen d’expression ?
R.C: vous savez…Je suis né d’une mère au foyer, qui s’occupe bien de ses enfants, et qui n’arrêtes pas de cuisiner, elle assure au petit déjeuner, au déjeuner et au diner. Comme je suis le dernier de la famille, donc très attaché à ma mère, je l’accompagnais en fait partout. Le dimanche surtout. A la sortie de la messe je l’accompagnais au marché. A l’époque dans les années 70 en Casamance, on avait un marché au bord du fleuve, et on négociait son poisson qui était encore vivant dans la pirogue. Et puis mon amour de la cuisine est en fait arrivé par là. Non seulement je suis gourmand parce que quand je sors avec ma mère en fait, il y a toutes ces odeurs, cette curiosité, et le plaisir de voir le poisson qui bouge. Jusqu’aujourd’hui j’adore l’odeur du poisson cru, j’adore l’odeur des fruits de mer. J’aidais ma mère à arranger le poisson car je savais que j’aurai eu un morceau de poisson avant que les autres n’arrivent. Je n’étais pas complexé d’aller au marché quand ma mère y oubliais quelque chose, on ne voyait jamais un jeune garçon au marché. Avant que je ne sois cuisinier, mon premier amour est d’abord venu des aliments. Moi j’adore les aliments, leurs couleurs leurs parfums. Sans les aliments il n’ya pas de cuisine. Je m’exprime à travers la cuisine car pour moi elle est un langage universel.
Niameyinfo: Monsieur le chef, vous avez eu à parcourir de nombreuses terres dans le cadre de vos aventures culinaires. Quelle est cette saveur qui vous a le plus marqué ?
R.C: La saveur qui m’a le plus marqué est le M’bakhal saloun, une spécialité sénégalaise. Mais j’aime bien la cuisine camerounaise par les épices. Les camerounais, ils mangent tout et j’aime cela. Au Sénégal on mange presque la même chose. Et moi j’aime une cuisine diversifiée et bien épicée.
Niameyinfo : pouvez-vous nous proposer une spécialité qui marche à tous les coups ?
R.C: C’est compliqué hein (rires)… La cuisine est différente d’un cuisinier à un autre. En matière de cuisine vous donnez les mêmes ingrédients pour le même plat mais le gout sera différent. Chaque petit détail compte. Le temps de cuisson de chaque ingrédient, la qualité des produits…
Niameyinfo: vous êtes à votre première venue au Niger. Avant de découvrir ce pays sahélien, avez-vous déjà eu à connaitre et ou cuisiner les gouts et saveurs d’ici ?
R.C: en dehors du kilichi et du criquet je n’ai pas eu à découvrir d’autres saveurs de la cuisine nigérienne. On m’en amenait de temps en temps. Et je n’avais pas eu à en cuisiner non plus.
Niamey info: que nous proposez-vous comme carte menu dans votre restaurant Ô Petit Club Africain ?
R.C: De la cuisine sénégalaise…mafé, yassa, tiere… Je m’attache à défendre cette cuisine et les produits de l’Afrique, souvent méconnus, ou adaptés aux palais européens, perdant leur sens et saveur. C’est une manière pour moi de défendre et porter avec d’autres, l’héritage de la cuisine nationale, et du Continent.
Niameyinfo: monsieur Raoul, on a impression que vous ne respirez que par la cuisine, avez-vous d’autres passions ?
R.C: L’agriculture, j’adore regarder la pousse des aliments, j’adore les aliments. Pour moi c’est comme de la magie. Outre l’agriculture j’adore la décoration, j’aime les belles choses. Je suis un passionné d’art, de design et d’artisanat.
Niameyinfo: Une astuce culinaire à partager avec nos lecteurs ?
R.C: Pour choisir une bonne viande, il faut appuyer son index (comme pour le faire entrer dans la chair) sur cette viande, si elle ne suit pas la pression du doigt alors ce n’est pas la bonne viande.
Une autre astuce c’est de ne pas mettre toutes les épices à la fois quand on cuisine. Il faut les mettre au fur et à mesures, cela permettra de mieux ressentir leurs parfums.
Qui est Raoul Coly ?
D’une cinquantaine d’année, et toujours un sourire en coin, le chef Raoul Coly est un amateur des choses qui gardent dans leur essence, leur authenticité au-delà de toutes influences. Il aime les choses qui ont une âme, du sens, du goût. C’est cette même sensibilité que l’on retrouve au sein de son restaurant Ô Petit Club Africain, un restaurant qui propose une cuisine du monde et surtout africaine. C’est aussi et surtout, un grand passionné d’épices. C’est ce qui caractérise sa cuisine si authentique et pleine de fraîcheur. Du gingembre, du Janseng, du Pèpè, du Poivre sous toutes ses formes et couleurs, d’Afrique à l’Asie, goûter à la cuisine du chef Raoul Coly, c’est déjà partir en voyage.
La cuisine de Raoul Coly est riche de son histoire. Elle est familiale et personnelle, voire nationale. Familiale et personnelle, car Raoul Coly a grandi au Sénégal, en Casamance. De l’ethnie Diola, qui l’a empreint de ses traditions proche de la terre, développant les héritages des ancêtres, Raoul tirera un profond respect de la nature et des hommes. Son enfance et son adolescence ont été continuellement enrichies par cette force humaine du partage, de la solidarité et de l’apprentissage.
Aidant sa mère dès le plus jeune âge sur les marchés pour porter puis choisir et l’aider à obtenir les meilleurs produits, Raoul, curieux et attentif aux moindres détails poursuivait son éducation culinaire avec ou sans sa mère en préparant des poissons, des légumes, des marinades épicées, pour nourrir la famille nombreuse, certes, mais surtout, pour goûter, essayer, découvrir tout ce que la Casamance et le Sénégal pouvaient lui offrir de meilleur et d’exceptionnel. C’est ainsi, que le jeune Raoul, alors guide, rencontrera sa future épouse, Virginie, venue tourner un documentaire sur la Casamance. Il la suit en France où il travaillera essentiellement dans le milieu de l’entreprise, conservant sa passion pour la cuisine, gourmand invétéré qu’il a su rester, avec à l’esprit, un jour, l’ouverture d’un restaurant à lui. En 2006 il entame un diplôme de chef de cuisine chez Ferrandi, qu’il obtient rapidement, pour ouvrir sa première adresse en mai 2012, après avoir fait ses preuves chez Livio Pizza à Neuilly, au Petit Céladon étoilé à l’époque et au ministère de la Santé, équipe de Jocelyne Bachelot et en extra dans de nombreux grands Hôtels Parisiens.
Entretien réalisé par Fatouma Akiné pour niameyinfo.