Les réseaux sociaux ont été secoué il y a quelques jours par une nouvelle déconcertante : l’entreprise DATA ROBOT aurait fermée ses portes au Niger. Il n’en fallait pas plus pour que les langues se délient. Ça et là des témoignages, des railleries à l’endroit des potentielles victimes ou encore des mises en garde. « Je connais un ancien député qui a investi 9 millions dans cette affaire » écrit un internaute. « J’ai un ami qui a investi 1 million en espérant gagner 3 millions » explique un autre. Au final, les témoignages se suivent et il devient de plus en plus clair que »l’opportunité du siècle » n’était rien d’autre qu’une vaste escroquerie bien orchestrée.
Une escroquerie basée sur le système de Ponzi
Apparue il y a quelques mois, l’entreprise DATA ROBOT se présente comme une plateforme d’investissement permettant aux investisseurs de générer des bénéfices en fonction de la mise initiale effectuée. Le processus est simple : L’entreprise offre des produits dont le prix d’acquisition varie de 500fr à 500.000 et même au-delà. A travers son investissement, l’adhérant ‘’achète’’ un robot qui effectue des tâches spécifiques pour lui afin de lui générer des gains. Les montants générés peuvent aller jusqu’à 300% de la mise initiale et rétribués de manière journalière, bihebdomadaire ou mensuelle.
Le système de rétribution repose sur un système pyramidal où les investisseurs situés en haut de la pyramide sont les plus rémunérés. Data Robot, comme de nombreuses plateformes du genre, basées sur le système de Ponzi n’échappe pas à la règle. Ainsi, on peut lire sur la page Facebook de l’entreprise que l’investisseur principal bénéficient « d’une commission de 8% sur les revenus des personnes (niveau 1) (…) 4% sur les revenus des personnes de niveau 2 » qu’il réfère. Ceci équivaut à un bénéfice de 8000 fcfa sur un gain de 100.000 fcfa d’un investisseur niveau 1 pour le référent principal et 4000 fcfa sur le même montant gain pour un investisseur niveau 2. La plateforme explique en conclusion qu’il est « important d’augmenter le nombre des membres (de son équipe NDLR) en invitant de nouvelles personnes et en guidant les membres (son équipe NDLR) à développer l’activité autour d’eux ».
Les personnes avisées et informées comprendraient toute suite qu’il s’agit d’une escroquerie qui a déjà fait ses preuves un peu partout en afrique. On se souvient notamment de l’affaire ICC au Bénin, de RichVIP et SVIP en Guinnée, de JDS Partners au Gabon et plus récemment QNET qui d’ailleurs continue de faire des victimes en Côte d’Ivoire et au Mali. Çà et là, les victimes se comptent par dizaines ou centaines, certains trop honteux de s’être laissé avoir pour témoigner. Comme dans tous les pays où ce type d’escroquerie a déjà été réalisé, la réussite du projet repose sur la crédibilité de l’entreprise initiatrice.
Une crédibilité apparente
A son installation au Niger courant Avril-Mai 2024, Data Robot recrute des jeunes nigériens comme premiers investisseurs chargés de faire une campagne de propagande. Ils prennent d’assaut les réseaux sociaux, principalement Facebook et Tiktok, scandant sans arrêt le slogan de l’entreprise « Investissez dans Data-Robot si vous avez peur de la pauvreté ». A la clé, des témoignages de retraits effectifs et des promesses d’enrichissement rapide. Conscients de ce que leur prospérité dans l’affaire dépend du nombre de membres composant leur équipe, les jeunes ambassadeurs essaient de recruter le plus grand nombre de personnes comme investisseurs.
En effet, comme dans tout système de Ponzi, plus vous élargissez votre réseau, plus vous avez une marge de bénéfice plus large qui s’agrandit au fur et à mesure que les membres de votre équipe créent eux même leur équipe. En gros, pour que l’activité soit maintenue en place, il est essentiel qu’il y ait de nouveaux membres qui y adhèrent. Une fois que le nombre de membres existant est supérieur à celui des nouveaux membres, le système est bloqué et tout s’écroule.
Pour gagner en crédibilité, Data Robot à son installation au Niger, fait des dons de vivres dans les régions de Tahoua et de Maradi aux populations. Dans la foulée, elle installe et équipe des bureaux dans plusieurs villes nigériennes, notamment Niamey, Zinder, Tahoua et Maradi. Tout est mis en place pour donner aux populations un sentiment de sécurité et de confiance quant à la possibilité d’effectuer les retraits des gains. On apprend ainsi qu’il est possible aux utilisateurs de la plateforme de faire leur investissement via les réseaux de téléphonie mobiles Airtel et Zamani, mais aussi via des plateformes de paiement mobile comme Nita et Amana Transfert. Pour renforcer sa crédibilité, Data Robot annonce avoir noué un partenariat stratégique avec l’entreprise de transfert d’argent Nita afin de faciliter le retrait des gains pour les investisseurs ; information que Nita dément, affirmant « avec fermeté qu’un tel partenariat n’existe pas ». Pendant ce temps, les investisseurs, des jeunes pour la plupart continuent d’appâter d’autres crédules et d’espérer les retombées financières de leurs investissements.
Pour les plus méfiants, amis de Google, le doute fait progressivement place à une petite certitude quand on découvre que l’entreprise Data Robot existe réellement depuis 2012 avec un siège social basé aux États-Unis et œuvrant dans le domaine des technologies de l’Intelligence Artificielle. Néanmoins, le piège n’est jamais loin. En effet, si l’entreprise DATA Robot des États-Unis existe depuis 2012 et bénéficie d’une forte crédibilité, celle présente au Niger n’a aucune existence légale. Mieux, le site web d’accès à la plateforme n’a été créé que depuis Mars 2024. Résultat des courses, des dizaines de personnes adeptes du gain facile et croyant encore à la possibilité d’enrichissement rapide et sans efforts se retrouvent aujourd’hui lésés de leurs sous. Depuis, les témoignages pleuvent, de même que les appels à la sensibilisation.
La police judiciaire à travers la division de la lutte contre la cybercriminalité a diffusé un communiqué dans ce sens, attirant l’attention des uns et des autres sur « les risques associés à cette plateforme ». Ainsi, « après des enquêtes approfondies, il a été constaté que cette plateforme manque de fiabilité et n’est pas reconnue par les autorités compétentes » informe ledit communiqué. Cette annonce vient confirmer les craintes des victimes qui, depuis bientôt une semaine, n’arrivent plus à accéder à la plateforme. Notons également que les bureaux de Data Robot, notamment ceux situés dans la ville capitale sont fermés depuis le weekend dernier.
C’est acté, Data Robot a disparu et même les plateformes sociales de l’entreprise ont été fermées. Mais comme le phénix renaissant de ses cendres, l’escroquerie à la Ponzi renaîtra au NIger, cette fois ci, sous une appellation différente, avec le même type de fonctionnement. Mais comme à chaque fois, il y aura encore des crédules, partisans du moindre effort ou sous-informés qui croiront encore qu’il s’agit d’une opportunité rapide à ne pas rater et d’un moyen sûr de sortir de la pauvreté. Ils y investiront de l’argent avant que d’ici quelques semaines encore, le scénario se répète ; la plateforme sera inaccessible et leur argent se sera volatilisé.
Camariath O. pour Niameyinfo.
